Immanence de la forme dans le cycle Adnos d’Éliane Radigue
- On 17 février 2023
Vous trouverez sur HAL un de mes articles inédits issu d’une présentation donnée en 2016 à Sorbonne Université dans le cadre d’une conférence sur la compositrice Eliane Radigue. J’y analyse son cycle Adnos (1973-80).
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Résumé
La musique d’Éliane Radigue fait partie des œuvres qui sont trop rarement analysées. Les musicologues préfèrent généralement se concentrer sur les aspects exogènes, sur les influences poétiques ou sur les processus de création dans une dimension sociologique. L’analyse de ses œuvres est généralement considérée comme un défi pour plusieurs raisons : l’absence de support visuel étant souvent évoqué comme un frein à l’analyse des œuvres électroacoustiques, la temporalité des pièces de la compositrice en contradiction avec les méthodes d’analyse fondées sur l’extraction d’unités sonores ou musicales, la forme globale semblant elle-même difficile à résumer sans perdre les détails qui constituent l’essentiel du travail de création, ces mêmes détails – infimes variations du matériau – auxquels notre oreille est sensible apparaissant comme difficile à décrire ou encore la représentation acoustique des détails du spectre très délicate à réaliser – la précision des fréquences et l’infiniment petit des structures rythmiques semblant inconciliables. Toutefois, ces raisons peuvent aussi être interprétées comme les premières pistes menant à l’analyse musicale. Si l’œuvre d’Éliane Radigue s’avère difficile à appréhender avec des méthodes d’analyse les plus courantes, nous allons devoir chercher des outils plus adaptés tant sur le plan théorique que sur celui des technologies de représentation. Avec l’analyse des œuvres électroacoustiques, les anciens modèles sont peu fonctionnels, la musique de son nécessite, plus que tout autre corpus, une expérimentation au niveau du spectre et une approche fondée sur l’analyse perceptive dans une démarche avant tout empirique. De plus, l’œuvre électroacoustique s’inscrit dans un espace d’écoute, le compositeur élabore la pièce en fonction de sa propre perception, lors de chaque écoute se déploie une nouvelle version de l’œuvre dans un espace différent, l’analyse musicale n’est donc qu’une simple interprétation de l’œuvre parmi toutes les interprétations possibles. Dans cet article, je vais me concentrer sur l’analyse de trois œuvres formant un cycle, Adnos, composées par Éliane Radigue entre 1973 et 1980. Les trois œuvres utilisent le même matériau créé sur le synthétiseur ARP 2500 fabriqué par la compagnie ARP Instruments durant la première moitié des années 1970. Le nom du cycle provient, d’une part du latin « ad » – aller vers – et « nos » – nous – et, d’autre part du grec « noûs » (νοῦς) qui désigne pour la compositrice l’élément universel duquel tout provient (Radigue et Chatham, 2002, p. 3). Adnos signifierait alors pour Éliane Radigue « aller vers l’unité » ou « going toward the One ».
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