Les modes d’existence des objets numériques en analyse musicale : vers une musicologie contextuelle
- On 6 mars 2023
Dans le cadre de la conférence Épistémologie de l’analyse musicale : Quelles théories, quelles méthodes, pour quelles musiques dans quels contextes disciplinaires et culturels ?
Paris, Bibliothèque François-Mitterrand
30 mars 2023
https://ema-2023.sciencesconf.org
Résumé
Penser l’objet numérique dans l’analyse musicale s’apparente à une révolution épistémologique que la musicologie ne fait qu’entrevoir (Couprie 2020). L’analyste utilise le numérique à travers des données ou des enregistrements déjà traduit en représentations. Or ces représentations résultent d’un processus de fabrication et d’interprétation contextualisé à l’analyste et aux technologies.
Notre proposition s’inscrit dans un double héritage. Tout d’abord celui du mode d’existence des objets techniques (Souriau 1943, Simondon 1958, Latour 2012) qui met en évidence l’interaction existante entre l’humain et l’objet technique, ce dernier n’étant pas extérieur au premier, mais constitutif de sa pensée. Ensuite celui mettant en évidence la différence entre les données et leurs traductions en représentations que nous manipulons derrière nos interfaces (Bachimont 2007).
Nous avons appliqué ce double héritage sur des œuvres échappant aux théories musicales, résistantes aux analyses par leur état de performance, leur nature expérimentale et leur complexité sonore et musicale. Ces œuvres expérimentales – des musiques contemporaines aux musiques actuelles – ne se réduisent plus à une partition, un enregistrement ou même un ensemble d’interactions sociales et ne s’inscrivent pas non plus dans une théorie ou une théorisation. Le musicologue se trouve alors dépourvu d’outils et de méthodes, c’est la raison pour laquelle nous avons patiemment développé les nôtres permettant de visualiser les indices de fabrication, de relier gestes et perceptions, d’étudier les micro-textures sonores, de déduire des formes hétérarchiques ou génératives, de mettre en évidence les dialogues entre l’humain et la machine, des phénomènes de co-créativité ou d’analyser les instruments construits, voire bricolés, dans de nombreuses pratiques expérimentales. Progressivement, il s’est avéré que la part la plus importante de la production musicale actuelle – qu’elle relève des musiques actuelles, de la création contemporaine ou de productions aux marges de la musique comme les arts sonores – utilise la technologie et échappe aux modes de production et de théorisation de la tradition occidentale.
Existe-t-il une pratique de l’analyse musicale non empreinte de technologie ? De l’étude de partitions à celle des performances improvisées, l’œuvre ou sa manifestation ne sont étudiées qu’à travers des objets souvent numériques (ou des traces d’objets numériques) contextualisés. Or ces objets, ces représentations – traductions des données numériques – s’inscrivent dans un contexte de production et d’analyse.
L’objet de cette communication sera de définir comment ces objets numériques construisent nos analyses musicales dans une pratique contextualisée de la musicologie.
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