Analyser les processus de création musicale
- On 10 mars 2011
Publication du programme du colloque à Lille en septembre-octobre 2011 :http://tcpm2011.meshs.fr/page.php?r=5&id=4&lang=fr
J’interviendrai avec la présentation : Analyser l’évolution d’une performance électroacoustique improvisée
La musique électroacoustique improvisée commence à s’imposer dans le paysage de la création musicale contemporaine. Cette forme artistique relativement jeune ne bénéficie pas encore d’une recherche musicale avancée, peu d’articles ou d’études existent. Cette situation est due à la complexité des dispositifs sur scène, l’aspect éphémère des performances qui ne sont que rarement enregistrées ou leur présence presque exclusive dans des lieux marginaux très peu fréquentés par les musicologues. Les musiciens combinent bien souvent des machines différentes (ordinateur, synthétiseur hardware, interfaces MIDI diverses, dispositifs électroacoustiques bricolés), des sources sonores hétéroclites (instruments acoustiques, amplifiés ou transformés, enregistrements, synthèse sonore, dispositifs mécaniques autonomes, etc.), voire d’autres médias (vidéo ou projections, poésie, œuvres diverses). Cette variété est probablement la caractéristique la plus importante de cet art qui tend progressivement remplacer et à marginaliser le “concert électroacoustique sur support” en le cantonnant aux salles de concert traditionnelles.
Comment analyser une performance électroacoustique improvisée ? Comment suivre l’évolution, et donc l’élaboration progressive, d’une telle performance ? Comment éclairer l’analyse musicale par les autres médias mis en jeu dans la performance ? Quelles sont les limites d’une telle analyse ? Est-il possible d’aborder l’analyse de l’interprétation dans ce cas ? Voici quelques questions qui seront abordées pendant la présentation. Elle s’appuiera sur les enregistrements de 7 performances réalisées entre 1999 et 2006 par le collectif Les Phonogénistes. Il s’agit d’une improvisation d’environ 20’ sur le film Emak Bakia de Man Ray (1926). Cette performance improvisée a la particularité de puiser sa structure et ses textures musicales dans le film lui-même. Durant 7 années, elle a évolué sur le plan technologique, sur le nombre de musiciens, mais aussi musicalement. J’étudierai comment la structure de cette improvisation s’est progressivement stabilisée tout en laissant une très grande liberté aux musiciens. Loin d’être autonome, chaque performance n’est qu’une étape dans un processus créatif évolutif. Elle apparait ainsi à la fois comme un accomplissement des processus initiés dans les performances précédentes et comme une préfiguration des suivantes.
Les techniques d’analyse employées combinent différents outils théoriques permettant d’extraire du flux musical des objets saillants, des unités sémiotiques et des fonctions musicales. Ma connaissance du dispositif musical de l’intérieur me permet d’analyser avec beaucoup de précision le matériau et le rôle de chaque musicien. L’analyse des structures musicales peut ensuite être mise en relation avec une analyse du film de Man Ray et éclairer certains choix de matériaux, certaines évolutions de la plastique sonore ou l’organisation de la structure. Appliquées à chacune des performances, il suffit ensuite de comparer ces analyses afin de faire émerger les évolutions et les évènements isolés. Il est ainsi possible de recréer l’historique de cette performance et d’analyser les différents choix réalisés par les musiciens, les éléments abandonnés en cours de route ou les constantes à tous les niveaux de la performance.
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